
De plus en plus de professionnels cherchent à diversifier leurs revenus en combinant un emploi salarié avec une activité d'auto-entrepreneur. Ce choix combine la souplesse et l'indépendance, en maintenant la stabilité d'un emploi fixe. Mais ce double statut soulève diverses interrogations, notamment sur les règles à suivre, les éventuelles restrictions légales, ainsi que la gestion des aspects fiscaux et sociaux.
Cadre juridique du cumul salarié-auto-entrepreneur
Le cumul salarié et auto entrepreneur est en principe autorisé. Le Code du travail ne prévoit pas d'interdiction générale, toutefois, il impose certaines obligations et limites qui doivent être respectées scrupuleusement. Ces règles visent à éviter les conflits d'intérêts et à garantir que l'activité secondaire ne nuise pas à l'exécution du contrat de travail principal. Le statut d'auto-entrepreneur a été conçu pour simplifier les démarches administratives et fiscales des entrepreneurs individuels. Cette simplicité en fait un choix attractif pour les salariés souhaitant démarrer une activité indépendante en parallèle de leur emploi.
Compatibilité des statuts selon le contrat de travail
La compatibilité entre le statut de salarié et celui d'auto-entrepreneur dépend grande partie du type de contrat de travail et des particularités du secteur d'activité.
Particularités pour les CDI
Pour les salariés en Contrat à Durée Indéterminée (CDI), le cumul avec une activité d'auto-entrepreneur est généralement possible, sous réserve du respect de certaines conditions. Toutefois, le contrat de travail peut contenir des clauses limitant cette possibilité, comme une clause de non-concurrence ou d'exclusivité.
Le salarié en CDI doit vérifier attentivement son contrat de travail avant de se lancer dans une activité d'auto-entrepreneur. Si aucune clause restrictive n'est présente, le cumul est en général autorisé, à condition que l'activité indépendante n'entre pas en concurrence directe avec celle de l'employeur.
Cas des CDD et contrats d'intérim
Pour les salariés en Contrat à Durée Déterminée (CDD) ou en intérim, les règles sont similaires à celles des CDI. Le cumul est possible, mais il faut être vigilant quant aux éventuelles clauses restrictives présentes dans le contrat. De plus, la nature temporaire de ces contrats apporte plus de facilité pour développer une activité d'auto-entrepreneur en parallèle.
Il est recommandé aux salariés en CDD ou en intérim d'informer leur employeur de leur activité d'auto-entrepreneur, même si ce n'est pas une obligation légale. Cette transparence peut éviter des malentendus et démontrer le professionnalisme du salarié.
Particularités pour les fonctionnaires
Les fonctionnaires sont soumis à des règles particulières concernant le cumul d'activités. Le principe général est que le fonctionnaire doit se consacrer intégralement à ses fonctions. Mais des dérogations permettent, sous certaines conditions, d'exercer une activité accessoire, y compris en tant qu'auto-entrepreneur.
Pour les fonctionnaires, une autorisation préalable de l'administration est généralement requise. Cette autorisation est accordée pour une durée limitée, souvent renouvelable. Les activités autorisées sont encadrées et ne doivent pas porter atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service public.
Situation des dirigeants et mandataires sociaux
En ce qui concerne les dirigeants et les mandataires sociaux d'entreprises, leur statut peut être incompatible avec celui d'auto-entrepreneur, notamment s'ils sont déjà affiliés au régime social des indépendants pour leur mandat social.
Par exemple, un gérant majoritaire de SARL ou un président de SAS ne peut pas cumuler son mandat social avec le statut d'auto-entrepreneur. En revanche, un gérant minoritaire de SARL, considéré comme salarié au regard de la sécurité sociale, peut potentiellement exercer une activité d'auto-entrepreneur en parallèle, sous réserve des restrictions habituelles.
Obligations légales et démarches administratives
Le cumul d'un emploi salarié avec une activité d'auto-entrepreneur implique de respecter certaines obligations légales et d'effectuer certaines démarches administratives. Ces formalités permettent de rester en conformité avec la loi et d'éviter tout risque de sanction.
Déclaration à l'employeur principal
Bien que la loi n'oblige pas explicitement le salarié à informer son employeur de son activité d'auto-entrepreneur, il est fortement recommandé de le faire par souci de transparence et pour éviter tout conflit potentiel. Cette démarche permet également de s'assurer que l'activité envisagée ne contrevient pas aux clauses du contrat de travail.
La déclaration peut se faire par le biais d'une simple lettre ou d'un email adressé à l'employeur ou au service des ressources humaines. Il est pertinent d'y préciser la nature de l'activité d'auto-entrepreneur et de souligner qu'elle sera exercée en dehors des heures de travail, sans effets sur les obligations professionnelles.
Inscription au registre du commerce (RCS)
Les auto-entrepreneurs exerçant une activité commerciale doivent s'inscrire au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS), tandis que ceux ayant une activité artisanale relèvent du Répertoire des Métiers (RM). En revanche, les auto-entrepreneurs qui exercent une activité libérale ne sont généralement pas tenus de s'inscrire au RCS.
L'inscription, lorsqu'elle est nécessaire, peut se faire en ligne ou auprès du greffe du tribunal de commerce du lieu d'exercice de l'activité.
Immatriculation à l'URSSAF
L'immatriculation à l'URSSAF permet de bénéficier du régime micro-social simplifié et de déclarer son chiffre d'affaires. L'immatriculation se fait en ligne sur le site de l'URSSAF ou via le guichet unique des entreprises. Lors de cette inscription, il est indispensable de mentionner le statut de salarié pour que l'URSSAF puisse prendre en compte cette situation particulière dans le calcul des cotisations sociales.
Gestion de la TVA en double activité
La gestion de la TVA peut s'avérer complexe en situation de double activité. Les avantages du statut auto-entrepreneur incluent la franchise de TVA, ce qui signifie que l'auto-entrepreneur ne facture pas de TVA à ses clients tant que son chiffre d'affaires reste en dessous de certains seuils.
Toutefois, si l'activité d'auto-entrepreneur dépasse ces seuils, ou si le salarié-auto-entrepreneur choisit d'opter pour la TVA, il devra alors gérer la TVA pour son activité indépendante. Cette gestion inclut la facturation de la TVA aux clients, la déclaration et le reversement de la TVA collectée à l'administration fiscale.
Limites et restrictions du cumul d'activités
Bien que cumuler le statut de salarié et d’auto-entrepreneur soit légalement possible, il existe plusieurs limites et restrictions à prendre en compte. Ces contraintes visent à protéger les intérêts de l'employeur et à garantir une concurrence loyale sur le marché du travail.
Clause d'exclusivité dans le contrat salarié
La clause d'exclusivité interdit au salarié d'exercer toute autre activité professionnelle, salariée ou indépendante, pendant la durée de son contrat. Si une telle clause est présente dans votre contrat, elle peut être un obstacle majeur à votre projet d'auto-entreprise.
Pour être valide, une clause d'exclusivité doit être justifiée par la nature des fonctions du salarié et rester proportionnée à l'objectif poursuivi. Par ailleurs, la loi stipule qu'un salarié créant ou reprenant une entreprise bénéficie d'une exception : cette clause ne peut lui être opposée durant un an à compter du démarrage de son activité.
Respect du devoir de loyauté envers l'employeur
Le devoir de loyauté est une obligation inhérente à tout contrat de travail, même en l'absence de clause particulière. Il impose au salarié de ne pas porter atteinte aux intérêts de son employeur. Dans le cadre d'une activité d'auto-entrepreneur, cela implique notamment de ne pas utiliser les ressources de l'entreprise (matériel, données confidentielles, etc.) à des fins personnelles, de ne pas solliciter la clientèle de l’employeur, de ne pas ternir l’image de l’entreprise ou de ses produits, et de ne pas exercer une activité concurrente susceptible de lui causer un préjudice.
Le non-respect de ce devoir de loyauté peut entraîner des sanctions disciplinaires, voire un licenciement pour faute grave.
Réglementation du temps de travail (durées maximales)
Le Code du travail établit des limites maximales de temps de travail applicables à l’ensemble des activités professionnelles, qu’elles soient salariées ou indépendantes. Ces seuils sont fixés à 10 heures par jour, 48 heures par semaine, et 44 heures en moyenne sur une période de 12 semaines consécutives.
Un salarié-auto-entrepreneur doit donc veiller à ce que le cumul de ses activités ne dépasse pas ces limites légales. Le non-respect de ces durées maximales peut entraîner des sanctions pour l'employeur, même si le dépassement est dû à l'activité d'auto-entrepreneur du salarié.
Interdiction de concurrence déloyale
La concurrence déloyale implique l'utilisation de moyens déloyaux pour attirer la clientèle au détriment d'autres professionnels. Pour un salarié-auto-entrepreneur, cela peut se traduire par l'utilisation d'informations confidentielles obtenues dans le cadre de son emploi salarié, le démarchage actif des clients de son employeur, ou encore la confusion volontaire entre son activité salariée et son activité indépendante. Il est obligatoire de séparer les deux activités pour éviter tout risque de concurrence déloyale.
Implications fiscales et sociales du double statut
Cumuler le statut de salarié et d'auto-entrepreneur a certaines implications sur le plan fiscal et social. Comprendre ces aspects permet de gérer efficacement sa situation et rester en conformité avec la loi.
Régime micro-entrepreneur et plafonds de chiffre d'affaires
Le régime micro-entrepreneur est soumis à des plafonds de chiffre d'affaires annuel. En 20245, ces plafonds sont fixés à :
- 188 700 € pour les activités de vente de marchandises
- 77 700 € pour les prestations de services et les professions libérales
Ces plafonds s'appliquent indépendamment du statut de salarié. Si le chiffre d'affaires dépasse ces seuils, l'auto-entrepreneur devra basculer vers un régime d'imposition classique, ce qui peut complexifier sa situation fiscale.
Cotisations sociales sur les deux activités
En tant que salarié-auto-entrepreneur, vous devrez payer des cotisations sociales sur vos deux sources de revenus. Pour votre activité salariée, les cotisations sont prélevées automatiquement sur votre salaire. Pour votre activité d'auto-entrepreneur, vous paierez des cotisations sociales forfaitaires calculées sur votre chiffre d'affaires.
Déclaration des revenus et imposition
En tant que salarié-auto-entrepreneur, vous devez déclarer l'ensemble de vos revenus lors de votre déclaration annuelle d'impôt sur le revenu. Vos revenus salariés seront pré-remplis dans la case "traitements et salaires". Pour votre activité d'auto-entrepreneur, vous devrez remplir une déclaration complémentaire (formulaire 2042-C-PRO) en indiquant votre chiffre d'affaires dans la catégorie correspondante (BIC ou BNC).
Si vous avez opté pour le versement libératoire de l'impôt sur le revenu (option possible sous certaines conditions de revenu fiscal de référence), vous paierez l'impôt sur vos revenus d'auto-entrepreneur en même temps que vos cotisations sociales. Dans ce cas, vous devrez tout de même reporter votre chiffre d'affaires sur votre déclaration annuelle, mais il ne sera pas pris en compte dans le calcul de votre impôt sur le revenu.
Droits à la retraite et cumul des points
Le cumul d'activités salarié et auto-entrepreneur a des implications sur vos droits à la retraite. Vous acquérez des droits dans deux régimes différents : le régime général pour votre activité salariée et le régime des indépendants pour votre activité d'auto-entrepreneur. À terme, vous percevrez donc deux pensions de retraite distinctes.
Le fait de cumuler un emploi salarié et une activité indépendante ne permet pas de prendre sa retraite plus tôt. La durée de cotisation requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein demeure inchangée, quel que soit le nombre de régimes auxquels vous avez cotisé. En revanche, ce cumul peut influencer le montant total de votre retraite, selon les revenus générés par chacune de vos activités.